Comme dans une toile impressionniste

Comme dans une toile impressionniste

Huit étapes de pleine conscience à Genève, entre ville et campagne 

Méditer en été (I)
au Jardin de la Paix, un espace dédié au souvenir

Un parcours méditatif invitant à s’offrir un temps de pause, en pleine conscience, entre découverte et réflexion, entre ville et campagne: c’est ce que propose cette rubrique intimiste sous le titre “Méditer en été”. Huit lieux inspirants attendent votre visite. Chacun d’eux se présente comme un espace privilégié où vivre le moment présent, en contact avec soi-même pour mieux se retrouver, mais aussi en lien avec l’autre, avec la nature, avec le monde.

Des lieux nourrissants où trouver refuge, que ce soit de manière bien réelle en s’y rendant ou dans notre mémoire en réactivant leur souvenir, nous en avons tous besoin un jour ou l’autre, pour reprendre pied, respirer calmement, goûter au miracle d’être vivant.

La mémoire et l’éphémère
Première escale de notre cheminement estival, le Jardin de la Paix ne se voit pas de la rue, cachant secrètement ses trésors à l’abri d’un mur habillé de glycine. Dès le portail d’entrée, la magie opère, avant même d’y avoir posé un pied. Inspiré des jardins éphémères chers au style impressionniste, ce cadre enchanteur nous transporte dans une toile de Monet. Le bassin aux nénuphars, la passerelle qui l’enjambe évoquent Giverny et une sérénité palpable s’est emparée de cet espace clos où le végétal communique avec l’eau, où serre et pavillon témoignent d’un autre temps. De couleurs froides en tons chauds, rosiers et plantes vivaces déroulent leur subtile palette.

De ce carré de nature préservé du chaos urbain, l’humain est loin d’être absent: le Jardin de La Paix est aussi celui du souvenir, en hommage à Sergio Vieira de Mello, haut commissaire aux droits de l’homme victime d’un attentat à Bagdad. Un lieu de recueillement, où s’interroger sur le don de soi, sur cette “humanitude” qui nous relie, sur nos engagements.

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Les hommes passent, l’arbre demeure

Les hommes passent, l’arbre demeure

Huit étapes de pleine conscience à Genève, entre ville et campagne 

Méditer en été (II)
sous le marronnier du Moulin-de-Vert,
plus que centenaire

Petit au pied d’un géant vert: c’est un sentiment d’humilité qui l’emporte sous ce marronnier majestueux. Immense, l’arbre baigne dans un océan de verdure, sur l’un des chemins d’accès à la réserve du Moulin-de-Vert. Mais c’est bien lui le maître des lieux. Un tronc que l’on effleure de la paume de la main, presque intimidé, le coeur saisi de respect. Une hauteur que l’on ne peut que deviner, là-haut, au-delà de notre regard.

L’arbre ne dit pas son âge, mais on le sait bien plus que centenaire. Il offre son ombre aux rares vestiges d’une ancienne maison d’habitation vaincue par une inondation. Ici vécut une famille de meuniers, exploitant la force des eaux du Rhône. Plus loin dans le temps, le lieu accueillit un prieuré. Aujourd’hui, seul le promeneur discret et silencieux peut en toute légitimité s’octroyer le privilège de vivre quelques heures de répit dans ce paradis préservé.

L’homme et la nature
Sur le chemin qui descend vers la réserve depuis l’entrée du village de Cartigny, il vaut la peine de faire un arrêt sous cette voûte de chlorophylle. S’asseoir sur un ancien mur de pierre, observer la vie miniature au ras-du-sol, là où courent et s’entremêlent les racines du géant vert: un temps pour être ici, maintenant, mais aussi connecté au temps qui avance et jamais ne revient en arrière, aux hommes qui passent, à l’arbre qui demeure.

Un peu plus loin, les étangs du Moulin-de-Vert offriront d’autres espaces de méditation, d’observation d’un monde extérieur autant qu’intérieur. L’un d’eux est dédié à l’artiste naturaliste Robert Hainard, dont les sculptures et gravures ont sublimé la faune et la flore des lieux. S’émerveiller de la nature avec respect ou l’exploiter à l’excès: nous pensons avoir le choix… avant qu’elle ne reprenne ses droits.

 

Au pied du marronnier centenaire,
quelques vestiges rappelant qu’ici même
vécut une famille et tournèrent les moulins.
© L’île intérieure

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En communion avec ses émotions

En communion avec ses émotions

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Méditer en été (III)
En tête-à-tête avec « La Mélancolie », au Parc La Grange

Une joue reposant contre ses mains, poignets fléchis, corps partiellement replié sur lui-même, elle domine les parterres colorés de La Roseraie. Omniprésente puisqu’on la voit de partout en se promenant parmi les roses, elle semble cependant curieusement absente, comme perdue dans ses pensées. Née d’un bloc de pierre, sous le burin du sculpteur genevois Carl Angst, elle fut baptisée “Mélancolie”.

Avec pour écrin le plus somptueux des espaces verts qu’offre la Genève urbaine, on se dit qu’elle devrait être comblée et se nommer “Joie”. Des fontaines qui gazouillent, une pergola fleurie, un océan de corolles odorantes, en faut-il davantage pour goûter aux délices de la vie… Caressée par le premier rayon du matin, elle demeure immobile, en équilibre entre veille et sommeil.

La tristesse sublimée
La mélancolie, dit-on, est cet état de tristesse si persistant qu’il est illusoire d’espérer en sortir. Pourtant, si l’on prend le temps de la regarder vraiment, cette “Mélancolie” qui semble de pierre est peut-être plus vivante que beaucoup d’entre nous. Là où nous portons un masque, pour faire bonne figure, pour cacher nos doutes et nos fragilités, elle ose exprimer ce vague à l’âme qui parfois nous habite. A force de la contempler, la pierre semble devenir chair. A côté de cette présence silencieuse, assis sur un banc au coeur de la Roseraie, on n’est jamais seul, mais bien en fraternité d’âme, en communion avec nos émotions.

A quoi pense-t-elle? Peut-être au riche Romain qui vint s’établir, voici près de 2000 ans, dans ce lieu parfaitement situé; ou, plus près de nous, à la famille Favre qui fit don à la population genevoise de ce merveilleux parc; ou encore aux soldats démobilisés qui, au lendemain de la guerre, reprirent goût à la vie en créant une roseraie. Ou simplement à la nature de la rose, éphémère et sublime comme l’été.

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Et en aval coule une rivière…

Et en aval coule une rivière…

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Méditer en été (IV)
A la chapelle de Malval, entre vignes et Allondon

En contrebas des vignes et du hameau, la chapelle de Malval est d’une discrétion qui n’a d’égale que sa simplicité. Sa situation, tout là-bas, comme préservée loin dans le Mandement, contribue à son charme. Aucun transport public à proximité, mais un petit parking accolé au cimetière. Sinon, c’est à pied, à vélo, depuis Dardagny par la route ou les chemins, longeant partiellement le vallon de l’Allondon.

L’esprit du lieu mêle nature et spiritualité. Ici, on effleure une réalité qui a comme un goût d’éternité. A l’ombre du porche, il se pourrait bien que la porte reste close. Cette petite chapelle édifiée au XVe siècle s’apprécie du dehors. L’intérieur demeure invisible, mais on le devine humble, sans fioritures, authentique. Malval, c’est une invitation à faire travailler son imagination… ou à lâcher prise. Un muret sépare la chapelle et ses pierres tombales des champs qui l’entourent. Dans l’enceinte, quelques arbres, un banc, la pureté du silence pour mieux savourer l’instant.

La rivière aux coquelicots
Au petit matin, tout est calme. On perçoit seulement les pas d’un pêcheur, quelques mots échangés par deux promeneurs; résonnant sur le pont qui traverse l’Allondon, le “clop clop” des sabots d’un cheval sur l’asphalte de la route. Et si l’on emprunte, face à la chapelle, le petit sentier à peine visible entre les herbes hautes, en se laissant guider par le bruit de la rivière, on pourra peut-être surprendre quelques coquelicots rutilants penchés sur les eaux.

Là où les pavots se prennent pour Narcisse, où l’on entend encore le pas des chevaux, où l’eau suit son cours dans un vallon qui nous enchante d’avoir su rester sauvage, on oublie totalement que Genève est un canton-ville. Une étape méditative entre eau et vignoble vient de nous rendre à la nature.

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Dans la rade au lever du jour

Dans la rade au lever du jour

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Méditer en été (V)
A la lumière du phare des Pâquis, repère au coeur de l’aube

Debout avant le soleil, c’est une rade baignée de mauve que l’on découvre. Dans l’aube encore sombre, le phare des Pâquis est comme une sentinelle de lumière veillant sur la beauté du lieu. Sur la rive gauche, le débarcadère des Mouettes dort encore. Tout à côté, La Neptune semble dialoguer avec le phare; peut-être se racontent-ils des histoires de marins d’eau douce, des récits d’un temps où seules les voiles latines sillonnaient le lac, affrontant tous les vents et regagnant le port sous la surveillance attentive de leur gardien dressé en bout de jetée.

On n’ose à peine faire quelques pas, de crainte de déranger cet instant immaculé. Le cri d’une foulque perce le silence, son plongeon dessine des ronds dans l’eau. Alors on se remet en chemin, admirant tour à tour les teintes changeantes du lac, la silhouette de la ville se détachant sur un ciel de plus en plus clair.

Méditation musicale
A quai, privé de navigation, le bateau Genève accueillera bientôt ses premiers hôtes matinaux pour un petit déjeuner qu’ils ne pourraient s’offrir ailleurs; plus loin, le Savoie rêve déjà qu’il largue les amarres. A cette heure, même la traversée du pont est encore un bonheur. Sur l’autre rive, quelques pèlerins de l’aube hâtent le pas, comme attirés par la lumière du phare. Aux Bains des Pâquis se prépare un rituel estival dont les lève-tôt ont le privilège.

Les pieds dans l’eau, savourer un concert de l’aube. Entre six et sept heures, avoir la tête en vacances même si le travail nous attend ensuite. Alors que s’égrènent les premières notes, méditer face au soleil levant sur l’art de se permettre des pauses dans notre quotidien. En équilibre entre silence et musique, solitude et lien, besoin de sécurité et désir de prendre le large, s’interroger sereinement sur nos souhaits contradictoires qui nous rendent si humain, si vivant.

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Atmosphère tropicale

Atmosphère tropicale

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Méditer en été (VI)
Au bord de la Versoix, en amont des chutes

Dans leurs embarcations tout en longueur qui flirtent avec les remous, les amateurs de canoë-kayak l’apprécient pour ses chutes et ses eaux agitées. La Versoix est une rivière dynamique aux allures sportives. Mais pas seulement. Aux jours les plus chauds de l’été, ses rives s’assoupissent dans une torpeur tropicale offrant des voyages immobiles au bout du monde.

Depuis le Pont-de-Bossy, remonter le cours en amont est une expérience sensorielle de chaque instant. Là où le soleil n’a pas atteint les sous-bois, la fraîcheur de l’air est encore palpable, à faire frissonner le promeneur aux bras nus. L’environnement sonore évolue au rythme de l’eau, du murmure au grondement. Les chants d’oiseaux envahissent l’espace et un véritable plafond végétal s’étale au-dessus de nous.

De la précipitation à l’immobilité
A l’approche des chutes, il n’y a plus que la rivière qui s’exprime, en cascades bruyantes et vivifiantes. En restant quelques minutes à proximité de cette eau se précipitant plus bas pour suivre son lit, on expose notre corps à une précieuse dose de ions négatifs aux pouvoirs bénéfiques. Alors, on s’arrête, comme hypnotisé, assourdi. Puis une envie de calme et de silence nous remet en marche.

Un peu avant que le chemin ne sorte du bois, nous projetant écrasé de soleil au milieu des champs et aussitôt pressé de faire demi-tour, la Versoix nous réserve une autre surprise. Il suffit pour la savourer de faire une pause à un endroit où sa rive est accessible, avec peut-être même un tronc d’arbre sur lequel s’asseoir. Ici, l’eau s’est immobilisée, reflétant le vert intense de ses rives, quelques éclats de soleil et des tâches de bleu ciel. Une vision idyllique, comme si la rivière nous avait tranporté sous d’autres latitudes.

Méditer en été:
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