Jour 14
La première partie de notre cheminement dans ce programme «Tout un mois avec soi» nous a confronté·e à diverses situations inconfortables, des ressentis encombrants qui ne nous permettent pas de vivre pleinement.
Encombrement, pesanteur, enfermement, peur, inquiétude, découragement, incertitude… autant dire beaucoup de confusion dans nos vies.
Nous avons défriché quelques pistes pour commencer à nous alléger, à nous libérer, à reprendre espoir, à gagner en assurance, faire des choix… c’est-à-dire clarifier un peu notre horizon.
Aujourd’hui, explorons ensemble ces deux ressentis:
Confusion
Clarté
Dans le domaine de la santé psychique, on utilise le terme de confusion mentale pour évoquer un état pathologique caractérisé par des pensées désordonnées, une désorientation globale. Sans en être réduit·e à un tel stade de déséquilibre, il nous arrive de ressentir de la confusion dans une multitude de situations.
Un manque chronique de repos, un réveil brutal qui interrompt une phase de sommeil profond peuvent nous laisser totalement confus·e, le temps – comme l’expression le dit si justement – de «retrouver nos esprits». Des circonstances inédites, un lieu qui nous est inconnu, un imprévu qui vient bouleverser notre programme constituent autant de sources de confusion. On se sent égaré·e, on en perd ses moyens. Jusqu’à ne plus savoir que faire, rester comme sidérée·e, ou au contraire agir, réagir de façon inadaptée.
Un faux sentiment d’urgence
Cet état de confusion risque de nous conduire à une évaluation erronée de la situation et de ses priorités. Voire à un faux sentiment d’urgence. Il est rare que la confusion accompagne un réel danger. Paradoxalement, lorsque des circonstances particulières imposent que l’on agisse immédiatement, nous sommes capables de le faire, parfois de manière instinctive, sans aucune confusion ni hésitation.
La confusion, c’est comme un brouillard qui plane au-dessus de nos pensées, de nos émotions, de nos ressentis, et nous empêche d’y voir clair. Elle est plutôt la manifestation d’un encombrement, d’une surcharge, d’un surmenage. Un trop-plein de tout nous rend confus·e. On ne discerne plus l’essentiel, on ne voit plus l’horizon. On avance, comme on dit, «le nez dans le guidon», presque à l’aveugle.
Résister à la précipitation
Que convient-il de faire lorsque ce brouillard confusionnant nous empêche de voir devant et autour de nous? Ralentir semble être une option raisonnable. Ralentir… et peut-être bien s’arrêter tout à fait et mettre pied à terre. Continuer d’avancer ne ferait que nous égarer davantage. Nous risquerions aussi de tourner en rond sans même nous en rendre compte.
A la précipitation, préférons l’arrêt. Privilégions le présent à la fuite en avant. Confus·e, nous pensons que nous n’avons pas fait ce que nous devions, et alors nous nous précipitons. Au contraire, le plus souvent nous en faisons trop, nous voulons trop en faire, nous avons trop à faire. Nous ne pouvons pas continuer comme cela.
Posons-nous, le temps que le brouillard se lève et que l’on puisse à nouveau discerner la route… que l’on puisse à nouveau se discerner soi-même. Car la première «chose» que nous égarons dans notre confusion, c’est nous-même.
Le temps de la décantation
Nous sommes cerné·e par la confusion. Et elle est aussi en nous. Tout est brouillé, opaque. En écrivant ceci me revient en mémoire un récit du maître zen Thich Nhat Hanh: il évoque une petite fille qui refuse de boire son orange pressée à cause de la pulpe peu appétissante. Invitée par le maître à laisser reposer son verre, elle retrouve un peu plus tard un breuvage clair, pur et désaltérant, la pulpe s’étant déposée tout au fond.
Aurons-nous la sagesse de cette petite fille qui a spontanément comparé son jus d’orange au maître qui se pose en méditation dans le moment présent, immobile et confiant?
Confus·e comme… embarrassé·e
Lorsque nous sommes confus·e, nous perdons le contact avec notre nature véritable. Nous ne sommes plus vraiment nous-même. Nous ne nous reconnaissons plus. Preuve en est une autre signification du mot «confusion»: gêne, honte, embarras. Dans certaines situations, face à certaines personnes, nous sommes confus·e de notre propre attitude ou réaction. Là encore, peut-être n’avons-nous pas pris le temps de nous poser, de laisser décanter la situation avant de réagir. A la confusion nous ajoutons alors une certaine culpabilité, nous regrettons ce que nous avons fait ou dit.
Repensons à la petite fille et à son verre de jus d’orange. Donnons-nous le temps… c’est tout ce que nous avons à faire. Nul besoin de poursuivre la clarté, de la rechercher dans la précipitation. Posons-nous, permettons au brouillard de la confusion de se dissiper… la clarté apparaîtra d’elle-même.
Pour vous aider à patienter le temps que l’horizon se dégage, avec confiance, patience et présence, je vous propose trois étapes: un arrêt sur image, une citation inspirante, une action pour ancrer la réflexion.
Je regarde
C’était le tout premier matin de cette nouvelle année. Tout autour de moi, un brouillard confondant l’eau et le ciel, le bas et le haut. Pas de rive, pas d’horizon. Par instants, on devinait brièvement l’ébauche d’un ponton, la silhouette floutée d’un arbre, ou celle d’une bouée indiquant la surface du lac.
Sur l’embarcadère, je suis restée immobile. Le temps que ce voile épais se mette en mouvement, se lève ou se décante, se dissipant par endroits, s’épaississant à d’autres.
Etrange symbole en ce premier matin. On ne distingue rien ou presque, ni autour de soi, ni devant soi. Allégorie de l’incertitude dans laquelle nous nous trouvons, qui tantôt nous fige, nous interroge ou nous ramène à l’essentiel.
Des signes de vie sont pourtant bien présents. S’élevant du coeur de la brume, des cris de mouettes. Puis la silhouette que l’on devine d’un cygne glissant sur l’eau. Puis l’éclaircie, le soleil juste au-delà qui soudain perce ce rideau mystérieux.
Alors le ciel est devenu bleu est l’eau transparente.
J’écoute, je lis
J’apprécie cette citation du peintre René Magritte, car elle offre un regard décalé sur la confusion. Selon lui:
« Rien n’est confus, sauf l’esprit.»
De la part d’un artiste surréaliste qui a si bien joué à nous confusionner en revisitant la réalité, voilà qui interpelle. Je crois comprendre qu’ à ses yeux talentueux, toute chose se présente clairement telle qu’elle est, y compris dans ses oeuvres, et que seul notre esprit y voit de la confusion.
Ecoutons-le encore:
« Tout dans mes œuvres est issu du sentiment de certitude que nous appartenons, en fait, à un univers énigmatique.»
Accompagné·e de ces paroles, voir d’un autre regard les tableaux de ce maître «surréel» et ceux que nous offre la nature… avec cette pensée neuve que tout, peut-être, se déroule à la frontière impalpable entre confusion et clarté, entre brouillard et lumière.
J’entre en action
Pour vivre de l’intérieur l’expérience de la confusion, de sa décantation progressive jusqu’à une clarté au moins partielle, même fugitive, quoi de mieux que de se poser en méditation.
Rien à faire de particulier, sinon demeurer immobile, en silence, ne serait-ce qu’un petit moment, dans la position de votre choix: assis·e, allongé·e ou même debout.
Rappelez-vous: le jus d’orange dont on laisse à la pulpe le temps de se déposer au fond du verre. Contentez-vous de suivre votre respiration, telle qu’elle se déroule, naturellement.
La confusion, vous pourrez sans doute la percevoir dans vos sensations physiques, dans vos émotions, dans vos pensées. Ne la chassez pas, ne la retenez pas non plus. Permettez simplement que la brume se déchire, et dans cette trouée, même éphémère, accueillez la clarté.
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